Lounès Magramane, SG du MAE : La fraude diplomatique au service d'un régime militaire en faillite
Dans les coulisses du pouvoir algérien, où les ombres de la diplomatie se mêlent à l'opacité des cercles décisionnels, un nom émerge comme un fantôme omniprésent : Lounès Magramane.
Un personnage qui se déplace comme une ombre dans les couloirs du Ministère des Affaires Étrangères, tirant les ficelles du jeu de ses doigts habiles, gérant un empire de corruption ramifié qui plonge ses racines au cœur même du système.
Derrière son costume élégant et son masque poli, il dissimule le visage hideux de la corruption morale et politique qui ronge une institution souveraine, transformant la diplomatie en un marché de vente de postes au service des maîtres de l'ombre.
Né en juin 1961 à Khemis El Khechna dans la wilaya de Boumerdès, c'est par un matin d'automne 1986 qu'il rejoint le siège du Ministère des Affaires Étrangères, alors adjacent au palais d'El Mouradia.
Il était un jeune homme détenteur d'un diplôme de l'École Nationale d'Administration (promotion 17 - année 1984) qui faisait ses premiers pas dans le monde de la diplomatie.
Personne n'aurait pu prévoir que ce jeune homme se transformerait, au fil du temps, en "prince de l'ombre" contrôlant, en collaboration avec les services de renseignement, le destin des ambassades et consulats algériens à travers le monde.
L'ascension de Magramane n'a pas été le fruit de compétences ou d'intégrité, mais le résultat d'un réseau de relations tissé méticuleusement avec les cercles d'influence profonds de l'État. Il a gravi les échelons tel un serpent, se faufilant entre les complexités politiques, surmontant les obstacles qui ont arrêté d'autres, pour se retrouver ambassadeur itinérant entre Niamey, Budapest, La Haye et Londres, d'où il fut rappelé précipitamment après seulement un an dans la capitale du brouillard, pour s'installer sur le trône du Secrétariat Général du Ministère des Affaires Étrangères.
Son curriculum vitae officiel, publié sur le site du ministère, révèle des mensonges flagrants. Il prétend avoir été chef du bureau des affaires politiques de l'Organisation de l'Unité Africaine entre 1986 et 1990, soit dès son entrée au ministère ! Mais la vérité révèle qu'il était un jeune diplômé, ayant effectué son service militaire pendant deux ans auparavant, et n'était pas qualifié pour occuper un poste élevé dès son entrée au ministère.
De même, il prétend avoir occupé le poste de ministre conseiller à l'ambassade d'Algérie à Addis-Abeba entre 1990 et 1994, son premier poste à l'étranger ! La vérité est qu'il était deuxième secrétaire, puis promu premier secrétaire deux ans après son arrivée en Éthiopie.
Ces fausses allégations ne sont pas de simples erreurs, mais font partie d'un masque qu'il porte pour duper tout le monde avec une compétence illusoire. "Il se tient directement derrière le ministre, ses yeux scrutant l'assistance, un simple hochement de tête signifiant beaucoup..." C'est ainsi qu'un initié l'a décrit lorsqu'il était directeur général du protocole au ministère entre 2015 et 2019.
Magramane était l'ombre qui ne quitte jamais la scène, "l'habile homme du protocole", et l'exécutant fidèle de ce qu'on appelle les "missions spéciales". Son amitié étroite avec Mokhtar Reguieg, ancien directeur du protocole présidentiel aujourd'hui derrière les barreaux, lui a conféré une influence exceptionnelle. Il était le lien entre la présidence et le monde extérieur, la voix qui murmurait à l'oreille des ambassadeurs, et l'œil vigilant sur les intérêts de la "bande", comme l'a qualifiée plus tard le Hirak populaire.
On raconte des histoires sur son entrée dans les bureaux des ministres sans permission, et sur ses directives auxquelles on ne pouvait s'opposer. "Il arrive porteur des messages de Saïd Bouteflika qui le chargeait de missions bien qu'il fût employé aux Affaires étrangères et non à la présidence."
Il se présentait comme l'ami de Saïd Bouteflika, le véritable détenteur du pouvoir à l'époque, caché derrière son frère malade et paralysé, et c'était le mot de passe qui lui ouvrait toutes les portes verrouillées.
Mais l'opportuniste Magramane était bien conscient que la force de frappe était entre les mains des "détenteurs du droit divin", et qu'il ne résisterait pas aux tempêtes politiques et aux conspirations de l'administration centrale sans la protection des généraux influents.
À leur tête, le général Dahmani, homme proche de Chengriha, et qui entretient avec Magramane une relation obscure qui est restée l'un des secrets de sa puissance, tandis que de nombreuses têtes sont tombées après le Hirak populaire et que des symboles de corruption considérés comme inattaquables se sont effondrés, y compris Saïd Bouteflika.
Magramane est resté "solide comme un roc" face aux vents tant que ses relations se renforçaient avec les généraux, "le toucher signifie toucher les généraux eux-mêmes", telle est l'équation de sa survie.
Dans le monde obscur de Magramane, la compétence devient une carte terne face à l'éclat de l'argent et au brillant du piston. Les portes des ambassades algériennes en Europe ne s'ouvrent, pour ceux qui n'ont pas le soutien des services de renseignement, qu'à ceux qui paient le "tribut sacré" variant entre 5000 et 10000 euros, faussement décrit comme une "avance" qui ne sera jamais remboursée.
Quant aux enfants de la "bande", ils bénéficient d'un traitement spécial. Par exemple, la fille du général Bachir Souid a été nommée ambassadrice en Irlande il y a quelques mois, alors qu'elle n'a pas encore achevé sa 11ème année dans le corps diplomatique. Et Rima Yousfi-Ighil a récemment pris les rênes de l'ambassade d'Oslo, et tout le monde au ministère connaît sa relation douteuse avec le Secrétaire Général, elle qui a commencé aux Affaires étrangères, il y a des années, comme secrétaire administrative. Quant au fils de l'ancienne ministre Nouria Benghabrit, il a été nommé directeur central dès son retour de New York !
Tous n'ont pas dépassé quelques années d'expérience réelle, et certains sont encore au rang d'attaché diplomatique, mais la "baguette magique" de Magramane les a transformés en étoiles dans le ciel de la diplomatie algérienne.
Il ne s'est pas contenté de nommer les proches des généraux influents, mais a fait du Ministère des Affaires Étrangères un refuge pour les enfants de toute la bande. Il distribue les postes comme un féodal distribue ses terres. Ces nominations ne sont pas simplement du népotisme, mais des transactions au sens large, où Magramane contrôle le marché des postes comme un marchand vulgaire et rusèe, exploitant sa position pour renforcer sa fortune parfois et son influence le plus souvent.
"Il entre au bureau en retard, donne des ordres à haute voix, puis disparaît pendant des heures..." C'est ainsi qu'un employé du ministère le décrit. Derrière son masque diplomatique élégant, Magramane cache une personnalité suspecte. Il oblige certainsde ses employés, femmes et hommes, à rester jusqu'à des heures tardives de la nuit, tandis qu'il passe son temps à se déplacer entre les fêtes des ambassades, dont certaines sont des soirées dansantes indécentes.
Dans l'une de ses photos officielles, Magramane apparaît devant les drapeaux algériens, vêtu d'un costume élégant, debout devant un microphone comme s'il s'adressait au monde avec des mots raffinés sur la diplomatie et le patriotisme.
Mais cette image, qui le présente comme "un homme d'État respectable", ne révèle qu'une amère contradiction : cette personne, qui parade devant les caméras, est la même qui se vante dans ses cercles privés de ses aventures féminines honteuses.
Son obsession pour les voyages continuels à l'étranger soulève des questions, surtout avec les visites quasi régulières de sa femme et de sa fille en Suisse, lors de voyages somptueux qui dépassent ce que peut couvrir un salaire diplomatique.
"D'où lui vient tout cela ?" Une question qui résonne en murmures dans les couloirs du ministère, mais personne n'ose la poser ouvertement. Quant à ses propos dans les cercles fermés, ils tournent autour des femmes et des désirs d'une manière répugnante.
Il encourage les jeunes diplomates à fréquenter les bars et à adopter des comportements immoraux, et se vante de ses aventures qui lui ont valu le surnom de "coureur de jupons" qui ne manque pas une occasion de l'exploiter, souillant la réputation de la diplomatie algérienne par ses comportements corrompus.
Magramane n'est pas simplement un diplomate corrompu et corrupteur, c'est aussi un "maître de la désinformation" au service du régime. Il reçoit les responsables internationaux avec un large sourire, parle de "l'Algérie nouvelle" et des "réformes profondes", tandis qu'il trame dans les coulisses des plans méticuleux pour diffamer ses adversaires ou ceux qu'il croit convoiter le fauteuil sur lequel il est assis.
Il s'assied avec les émissaires des Nations Unies pour les droits de l'homme, les rassure que "tout va bien dans l'Algérie de Tebboune", tandis que les amères vérités sont cachées à leurs yeux. Il maîtrise l'art des paroles mielleuses et excelle dans le tissage de faux récits, tout cela sous le couvert de la diplomatie qu'il a transformée en outil au service des intérêts du régime mafieux militaire.
Lounès Magramane n'est pas simplement une personne, c'est un phénomène, un symbole d'un système intégré qui a transformé la diplomatie d'un outil au service des intérêts nationaux en une porte vers l'enrichissement illicite et une scène de déliquescence morale. Ce cas typique incarne l'échec cuisant de la diplomatie algérienne, paralysée par un régime militaire catastrophique qui a systématiquement détruit toute possibilité de représentation efficace du pays à l'étranger et de défense de ses intérêts.
Comment une diplomatie peut-elle réussir lorsque ses rangs sont remplis de fonctionnaires corrompus et de mercenaires, tous au service de la junte militaire qui gouverne derrière le rideau ?
La crise diplomatique que traverse l'Algérie n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat direct d'un système où les compétences sont sacrifiées sur l'autel de la loyauté au régime militaire.
Des décennies de recrutement basé non pas sur le mérite mais sur la loyauté aux généraux ont produit un corps diplomatique médiocre et vidé de vision, d'initiative et d'indépendance.
Ces diplomates, à l'instar de Magramane, ne représentent pas l'Algérie mais les intérêts particuliers d'une clique militaire qui a placé le pays sous son contrôle absolu.
L'isolement croissant de l'Algérie sur la scène internationale, son incapacité à défendre efficacement ses positions dans les forums internationaux, et sa marginalisation progressive dans les grandes questions régionales, sont tous des témoignages de cette faillite. Et pendant que des diplomates comme Magramane s'enrichissent et jouissent du luxe, l'image du pays et ses intérêts fondamentaux sont vendus à vil prix.
Quelle crédibilité peut avoir une diplomatie dont les représentants sont considérés, à juste titre, comme des outils sales d'un pouvoir illégitime ?
La réalité est que l'appareil diplomatique algérien est devenu un simple outil entre les mains des généraux et de leurs partisans, une extension de leur pouvoir et un moyen supplémentaire de piller les ressources du pays. Les nominations aux postes clés, comme celle de Magramane, obéissent à une logique de loyauté absolue envers les dirigeants influents, créant un cercle vicieux où l'incompétence appelle l'incompétence et la corruption entraîne la corruption.
Cette mainmise du régime militaire sur la diplomatie n'a pas seulement sapé la crédibilité internationale de l'Algérie, mais a également privé le pays de toute possibilité de développer une politique étrangère cohérente et efficace.
D'anciens collègues indiquent que Magramane n'est que la face visible d'un système profondément pourri, où les véritables décisions diplomatiques ne sont pas prises au Ministère des Affaires Étrangères, mais dans les bureaux feutrés des chefs des services de renseignement et de l'état-major.
Les diplomates ne sont que des exécutants mercenaires au service d'une classe qui a monopolisé le pouvoir depuis l'indépendance.
Cette militarisation de la diplomatie explique largement l'incapacité de l'Algérie à s'adapter aux nouvelles réalités géopolitiques et à défendre efficacement ses intérêts stratégiques.
Et tandis que les échos des slogans de "l'Algérie nouvelle" résonnent dans l'espace public, Magramane et ses semblables continuent de tenir maladroitement les clés de la diplomatie algérienne, la gérant comme un fief personnel, et trafiquant la réputation d'un pays qui avait jadis du prestige dans les forums internationaux.
Certains se demandent jusqu'à quand le Ministère des Affaires Étrangères algérien restera otage de personnes comme Magramane ? Et une véritable réforme peut-elle atteindre cette institution souveraine sans éradiquer les réseaux de corruption profondément enracinés en son sein ?
La réalité est que le vrai problème dépasse les individus : c'est un système entier, un système de diplomatie subordonnée et asservie à un régime militaire catastrophique, qui doit être déraciné.
Car tant que ce système persistera, l'Algérie continuera de payer un prix élevé pour une diplomatie impuissante et discréditée, incapable de défendre ses intérêts vitaux sur la scène internationale.
Mohamed Larbi Zitout
Ancien Diplomate Algérien